Compte rendu de la rencontre avec le SMYB et Actierra à la suite de la pétition contre l’utilisation de plastique dans le projet de renaturation
Une pétition contre l’usage de géotextile plastique dans un projet de renaturation du Corvol (Nièvre) a rassemblé plus de 150 signatures, dont 44 en ligne, en seulement deux jours. Alors que Le Journal du Centre consacre aujourd’hui un article à cette initiative citoyenne, nous souhaitons partager ici un compte rendu de l’échange que nous avons eu avec le SMYB et Actierra le mercredi 23 avril.
La pétition portait sur le seul aspect encore modifiable du projet : l’usage de matériaux plastiques. Nous étions d’autant plus mobilisés que d’autres impacts, à nos yeux plus préoccupants, avaient déjà eu lieu.
L’enjeu majeur est la préservation d’un oiseau extrêmement rare dont la population française est estimée à seulement 150 individus. Ce type d’espèce très localisée dépend fortement de son habitat spécifique. La perturbation d’un site de reproduction ou de nourrissage peut avoir des conséquences directes sur sa survie.
L’étude conduite par Actierra avait bien identifié la présence de cet oiseau, la Cigogne Noire et rappelait l’interdiction de mener des travaux entre mars et septembre, période cruciale pour sa reproduction. Or, les travaux ont été réalisés en avril et mai, précisément pendant la phase la plus sensible. Depuis, les observations quotidiennes de l’oiseau dans la zone se sont interrompues, laissant craindre une année de reproduction compromise.
Quatre des principaux spécialistes mondiaux de la Cigogne Noire, appuyés par plusieurs thèses scientifiques, insistent sur l’importance de certaines précautions : s’abstenir de dérangements durant la période de nidification de mars à août, éviter tout barbelé à moins de 60 cm du sol à proximité des ruisseaux, respecter un rayon de 2 km autour des zones de nidification pour le nourrissage, et surtout préserver la discrétion du site de nidification, ce qui explique le silence initial des protecteurs de l’espèce.
Les données concernant cette espèce sont accessibles uniquement à certains spécialistes, mais ont été communiquées à l’étude Actierra via l’organisme de suivi, sur la base d’observations précises. Ces zones de nourrissage font partie intégrante de l’habitat protégé, d’autant plus crucial en raison de la rareté de l’espèce et de la proximité du nid.
L’Office Français de la Biodiversité, les services départementaux, la préfecture, ainsi que des associations naturalistes (dont la SHNA et le CEN Bourgogne) ont été alertés dès le début des travaux concernant le non-respect du calendrier écologique. Nous regrettons vivement l’absence de réponse à ces signalements.
Par ailleurs, les travaux ont impacté une mare forestière temporaire abritant des têtards et des œufs, détruite au moment où elle jouait un rôle écologique important. Cette mare était la seule de ce type dans un rayon d’un kilomètre.
La préparation du site a également entraîné des coupes d’arbres importantes (2000 m2), notamment un arbre refuge utilisé par 17 grandes aigrettes. Une haie de Thuyas, abattue en hiver mais évacuée au printemps, hébergeait lors du broyage plusieurs espèces nicheuses comme le troglodyte mignon, l’accenteur mouchet ou le rouge-gorge. Un nid de canards sauvages sous un déversoir a également été abandonné. De même, les Chevaliers cul-blancs, qui nichaient régulièrement dans la zone du Corvol, ne sont plus observés depuis les travaux.
Des coupes supplémentaires, effectuées en avril 2025 dans les bois de la Caisse des Dépôts, n’ont pas tenu compte des recommandations écologiques communiquées à leurs propres naturalistes venus sur place cet automne, alors même que des fenêtres de coupe plus adaptées étaient possibles entre septembre et février.
Nous avions été conviés aux réunions de co-pilotage du projet. La première d’entre elles a toutefois été transformée en réunion publique de présentation, réduisant d’emblée les possibilités d’échange technique préalables au projet. Certaines propositions ont pu être intégrées (renoncement à des aménagements lourds type parkings ou bancs), mais les marges de discussion sont restées limitées. Par ailleurs, des malentendus locaux — comme une rumeur de cession gratuite de l’ex-étang pour un usage lucratif — ont créé un climat d’hostilité qui a freiné la concertation.
Alors que la protection de la Cigogne Noire nous semblait acquise avant le début impromptu des travaux, l’un des derniers points en débat était la route forestière. Cet aménagement avait été remis en question à plusieurs reprises, y compris par le financeur, l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, qui rappelait que ses aides ne pouvaient être allouées qu’à des actions de renaturation, non à des installations touristiques. Ce type d’aménagement risque d’ouvrir la voie à un usage motorisé du site, inadapté à son caractère naturel.
Enfin, concernant le géotextile plastique, le SMYB et Actierra ont présenté ce matériau comme une barrière coupe-feu. Cette justification pose question, notamment en raison de la localisation de la zone entre un talus feuillu orienté au nord et une zone humide. De manière générale, ce sont souvent les aménagements artificialisants qui accentuent les risques liés au réchauffement climatique.
Nous avons apprécié d’être associés au processus de réflexion, mais nous ne pouvons que constater que certaines décisions fondamentales ont été prises à l’encontre du travail des réunions préparatoires : sans réelle prise en compte des enjeux écologiques les plus critiques. Une préservation efficace des milieux naturels ne peut être réalisée qu’en allant au bout de la logique de protection, et non à mi-chemin.