Pourquoi faut il garder les arbres de la Place des Promenades à Clamecy ?
Parce qu’ils ont connu mon grand-père, qui me manque beaucoup. Il est né ici quand sa mère y était institutrice. Il y a fait ses premiers pas, confiant dans la vie. Il m’a appris à marcher entre la modernité et l’humilité de ne pas en faire trop. Il a été bucheron dans son Morvan d’origine, avant d’être ingénieur dans la sécurité des bâtiments. Les arbres sont un fil conducteur qui me relie à lui. Alors ces arbres !
Parce que les vieux arbres ont plus de qualités que les jeunes arbres, aujourd’hui mais aussi demain, répondant à un immense ensemble de besoins :
Ils ne coutent rien, ils sont là.
Il n’y a pas besoin d’attendre, ils sont là.
Ils peuvent tout nous apprendre ici, car ils sont là.
Nous avons besoin d’apprendre comment fonctionne notre dépendance à la nature, pour l’air, l’eau potable, la nourriture, un climat tempéré, et savez-vous que ça passe par une interaction entre les arbres et le sol ? Souhaitez-vous en savoir plus ?
Pour savoir où aller, nous avons besoin de spiritualité, à travers notre connexion aux grandeurs qui nous dépassent, et pas seulement avec des constructions humaines, (et divines pour certains) mais aussi par la nature qui soutient tout.
Les arbres sont nos meilleurs alliés pour atténuer les excès climatiques, et renverser l’appauvrissement biologique (et donc économique) et ils sont déjà là.
Ils sont adaptés.
Ils sont riches d’habitats pour un nombre phénoménal d’espèce, insectes bénéfiques, champignons bénéfiques pour la santé de l’arbre et du sol.
Ils ont déjà développé l’immense réseau souterrain de racines conjuguée aux mycéliums bénéfiques et toute la petite faune indispensable à la survie d’un espace vert (et des villes).
Et c’est sous nos yeux que nous pouvons le voir, et apprendre à tolérer les incertitudes de la nature.
Le risque représenté par les arbres est si infime qu’il n’entre dans aucune statistique (moins de 2 morts par an, alors que nous tolérons la voiture et ses milliers de morts, ou le mariage qui tue des centaines de femmes chaque année….). Tolérons ceux dont c’est l’absence qui tue. Les arbres ne sont pas un problème, ils sont la solution. La municipalité a peur des risques liés aux arbres ? Ils doivent avoir peur surtout de leur absence, qui tue lors des pics de chaleurs et de tous les autres risques associés à leur manque : inondations, incendies, perte de biodiversité et sécheresse. Les élus doivent plutôt se soucier de la loi du 26 juillet 2023 obligeant à conserver tout le couvert arboré des villes.
Refusons de traiter le vivant comme un risque et une saleté, alors que nous apprenons tout juste que c’est le socle de la santé et de la richesse. Traitons bien ces arbres, symboles de la nature qui nous porte car plus âgés que nous. Sortons d’une vision hygiéniste et tout sécuritaire du 20ème siècle, passant tout à l’eau de javel et à la tronçonneuse et apprenons à composer avec le vivant et ses dynamiques…et ses piques.
Nous ne devons pas faire de sacrifices en se privant d’arbres matures comme si c’était le plus raisonnable pour le futur, en les remplaçant par des arbres plus sains et plus jeunes : les vieux arbres ont encore des centaines d’années devant eux, et ils sont les mieux armés pour tenir dans le temps et résister aux prochaines années les plus incertaines. D’ailleurs, l’arbre est le plus gros être vivant que nous côtoyons, et qui vit le plus longtemps. N’est ce pas extra-ordinaire ?
Les arbres se portent mieux en ambiance forestière, et leur nombre sur la place des Promenades est avantageux pour maintenir ce micro-climat.
Le besoin de changement et de modernité est facile sur les vieux arbres, il suffit de les abattre. Mais nous devons être plus intelligent que ça. Les conserver, c’est ce qui est moderne : tenir compte du vivant, en prendre soin, alliant pédagogie, plaisir en ville, futur et passé nous rendant vivants à chaque présent. Contrairement aux humains qui deviennent plus fragiles après 70 ans, les arbres ne font que commencer à être forts et concernant les tilleuls, pour des siècles !
Les tilleuls de la place ne sont pas très hauts, leurs tailles ont été aléatoires et ont occasionné des risques plus grands. Rien n’empêche de reprendre soin d’eux avec toutes les connaissances actuelles plus fines et pointues et en s’aidant de haubanage si besoin. De toute façon, sans arbres nous mourrons, et avec il y aura toujours quelques dégâts, imprévisibles, mais nous survivrons grâce à eux !
Je demande à ce que le projet soit révisé, cela coutera forcément moins cher, même si des études ont été réalisées pour rien. Je demande que ces arbres soient parmi la grande vague des arbres anciens conservés. Ils ne seront ni les premiers ni les derniers, mais parmi l’ensemble des arbres qu’on laisse vivre une vie d’arbres parmi nous.
Lora Martin
paysagiste-arboriste
février 2024 : 8 tilleuls sont conservés